Il faudra bien un jour se rendre à l’évidence : l’inénarrable Eugène Lapierre ne dirigera plus l’Omnium Banque Nationale présenté par Rogers.
On ne doute pas qu’il soit immortel, mais on espérait qu’il le serait aussi comme grand manitou du tournoi. Après 21 ans de bons et loyaux services, il a décidé que sa vie devait prendre une autre tangente. Non pas qu’il quitte le tennis, loin de là. Il amorce cette pseudo-retraite en conseillant le président de Tennis Canada et en racontant l’histoire de la Coupe Davis partout au Québec. Des projets, il en a encore un torrent, tous plus excitants les uns que les autres : recouvrir les terrains extérieurs pour que les amateurs puissent jouer 12 mois par année, attirer le plus d’adeptes possibles vers le sport qu’il ne cessera jamais d’aimer, se battre pour que les jeunes choisissent le tennis comme activité physique pour la vie, offrir sa frimousse abondamment chevelue à tous les médias qui ne jurent que par lui. C’est ce qu’il projette de faire avec la compétence qui l’a toujours habitée.
Malgré le prestige de ses fonctions, il n’a jamais été autre chose qu’un délinquant bien élevé. La gloire et les honneurs n’ont jamais tari sa philosophie avant-gardiste et bien ancrée en lui.
READ: UNE JOURNÉE DANS LA (NOUVELLE) VIE DE VALÉRIE TÉTREAULT
Il faut dire qu’Eugène est un bachelier en psychologie. Il lui a fallu bien des connaissances de l’être humain pour diriger pendant si longtemps un immense groupe d’employés et de bénévoles. Il l’a fait avec un tel doigté qu’on se demande s’il était si facile de gérer un tournoi… ou simplement s’il était fait pour ça. Pour un garçon qui a été préposé aux terrains dans son enfance, la marche pourrait sembler haute, mais pas pour lui.
Ce géant de Granby a été un joueur de tennis de grande qualité. C’est ce qui lui a valu de recevoir une bourse complète de l’université Belhaven, à Jackson, au Mississippi. Il a même abordé les tournées internationales avec son ami Richard Legendre en participant au circuit européen.
De retour dans son pays natal, il a testé ses habiletés de gestionnaire du sport. Entraîneur à l’Interplus de Granby et à TenniSport de Québec, il a servi de directeur adjoint du circuit de Tennis Alcan.
Après avoir habilement fait ses classes, il s’est retrouvé à la direction technique de Tennis Québec, poste qu’il a brillamment occupé pendant 10 ans.
Hélas pour l’organisme québécois, Legendre est venu s’emparer de lui pour le transporter à Tennis Canada.
De 1993 à 2001, il a été l’adjoint de celui qui a rénové le Stade IGA. Jamais, il n’aura cessé de tirer les innombrables ficelles de ce métier exigeant.
Quand son mentor a bu le nectar de la politique, personne ne s’est étonné de voir Eugène assumer sa relève avec flegme et efficacité.
Pendant 21 ans, il a séduit le public, les joueuses, les joueurs, les employés, les bénévoles, les médias, les artistes et les sportifs de tout acabit. Cet intellectuel du tennis s’est fait une immense place dans la vie sociale montréalaise. Son tournoi est devenu au fil des ans une activité incontournable qui n’a cessé de pulvériser des records d’assistance. On sait tous qu’il n’est pas étranger à ce succès phénoménal.
Tout au long de sa prodigieuse carrière, il est toujours resté lui-même, ce qui constitue l’une de ses qualités maîtresses. Il n’y a qu’un seul Eugène Lapierre, dans sa vie de tous les jours comme dans ses nombreuses activités professionnelles.
Aujourd’hui, il faut se résoudre à le voir tourner une page de l’immense encyclopédie qu’il a écrite pendant tant d’années.