L’année 2022 a été exceptionnelle sur le circuit ATP.
La saison entière a été un chic des générations ; deux « anciens » ont terminé l’année en beauté, alors qu’un jeune loup a pris les commandes du circuit au milieu du calendrier. Même si deux du « Big 3 » sont encore de la partie, ils ont perdu le troisième mousquetaire et la relève de la garde a commencé.
Le Top 10 de fin d’année n’est possiblement pas ce à quoi on s’attendait en janvier. Et même les résultats qui, sur papier semblaient banals, ont été tout sauf ça.
Et à un certain moment, tous les yeux étaient tournés vers le tribunal australien de l’immigration.
Alors que nous nous préparons à fermer le livre de 2022 et à nous tourner vers 2023, il est temps de faire un dernier bilan sur l’année qui vient de s’écouler sur le circuit masculin.
LE DÉBUT HISTORIQUE DE RAFA
On dirait que l’on surveille le moment de la retraite de Rafael Nadal depuis 2009. Compte tenu du style de jeu agressif de l’Espagnol et de ses nombreuses blessures, les amateurs et les experts semblent vivre dans un état constant d’attente.
Mais après qu’une blessure au pied ait mis fin à sa saison en août 2021 et qu’une opération l’ait mis sur des béquilles en novembre, il y avait de nombreuses raisons de penser que 2022 pourrait être la fin. Si on ajoute un cas sérieux de COVID-19 à la fin de décembre, les attentes envers le Majorquain étaient à leur plus bas à l’approche de la saison australienne.
On aurait pu penser qu’après toutes ces années, le monde du tennis avait appris à ne plus douter de Nadal.
Même après un triomphe au tournoi du Circuit 250 de l’ATP à Melbourne, on était loin de penser qu’il pourrait ajouter un deuxième titre aux Internationaux d’Australie.
Surtout lorsqu’il tirait de l’arrière par deux manches à zéro et 2-3, 0-40 dans la troisième manche contre le champion en titre des Internationaux des États-Unis, Daniil Medvedev.
Mais ce qui a suivi est assurément la plus belle remontée de l’histoire du tennis. L’Espagnol a remporté son service dans ce jeu, ce qui a été le tournant du match, puisqu’il a réussi à gagner les trois manches suivantes et à mettre la main sur le trophée.
Ce faisant, il a devancé Roger Federer et Novak Djokovic sur la liste des joueurs les plus titrés en tournois du Grand Chelem (21), prenant seul la tête pour la première fois. Il est également devenu le deuxième joueur de l’ère moderne, avec Djokovic, à remporter les quatre épreuves du Grand Chelem au moins deux fois.
Nadal a poursuivi sur sa lancée au printemps, récoltant le titre à Acapulco et atteignant la finale à Indian Wells, avant qu’une fracture de stress aux côtes ne le ralentisse suffisamment pour qu’il perde son premier match de l’année contre Taylor Fritz. Ses 20 victoires consécutives en début de saison étaient le meilleur résultat de sa carrière.
Cette blessure a fait en sorte qu’il s’est présenté à Roland-Garros sans titre sur terre battue pour la première fois de sa carrière (à l’exception de la saison abrégée de 2020). Les doutes de son succès possible à Paris ont redoublé après sa défaite surprise aux mains de Denis Shapovalov, à Rome.
Tout au long de la quinzaine à Paris, Nadal a refusé de parler de sa blessure au pied. Il a plutôt laissé parler son tennis. Au quatrième tour, il a survécu à son troisième duel de cinq manches contre Félix Auger-Aliassime puis il a dissipé les doutes en prenant la mesure de Novak Djokovic en quart de finale avant de dominer Casper Ruud en finale pour conquérir sa 14e couronne à la Porte d’Auteuil et porter à 22 le nombre de ses titres majeurs.
Après le tournoi, Nadal a révélé qu’il avait reçu des traitements pour son pied qui l’avaient engourdi pendant toute la durée de la compétition.
Bien qu’il n’ait disputé que cinq autres tournois en 2022, il a tout de même terminé la saison au deuxième rang mondial et a ajouté un autre grand chapitre à son héritage déjà épique.
LA SUPERBE FIN DE SAISON DE FÉLIX
Si des montagnes russes commencent à leur point le plus bas plus haut point pour ensuite monter et descendre entre quelques pics et vallées, la saison 2022 de Félix Auger-Aliassime était des montagnes russes à l’envers.
En effet, le Canadien a démarré la saison en trombe, menant le Canada à la victoire à la Coupe ATP dès la première semaine de janvier avant d’atteindre son troisième quart de finale consécutif en tournois du Grand Chelem aux Internationaux d’Australie – il a même été à un point du carré d’as dans un duel qui fera sans doute partie des meilleurs matchs de l’année contre le futur finaliste Daniil Medvedev.
À son prochain tournoi, il a enfin conquis le premier titre de sa carrière à sa neuvième participation à une finale de l’ATP, battant Stefanos Tsitsipas en deux matchs lors du match ultime de l’épreuve de Rotterdam.
Après un tel départ, Auger-Aliassime semblait être parti pour la gloire.
Cependant, les mois suivants ne se sont pas déroulés comme prévu, car le Canadien a eu du mal à trouver de la constance et a signé des résultats décevants, notamment des sorties précoces à Wimbledon et à Flushing Meadows.
Puis le vent a changé de côté après une superbe victoire contre le champion des Internationaux des États-Unis Carlos Alcaraz lors du premier match de l’Espagnol en tant que numéro un mondial au tournoi à la ronde de la Coupe Davis, à Valence.
Le reste appartient à l’histoire pour les Canadiens à la Coupe Davis.
Auger-Aliassime a atterri à Florence, en Italie, sur ses terrains intérieurs de surface dure bien-aimés, et a trouvé un nouveau souffle. Il a été intraitable au cours des trois semaines suivantes, éliminant tous ses adversaires grâce à un service dominant et à des coups de fond dévastateurs.
En trois semaines, le Canadien a récolté trois titres. En effet, après celui de Florence, il s’est adjugé les trophées d’Anvers, en Belgique, et de Bâle, en Suisse, portant ainsi son total de l’année à quatre et lui permettant de se rapprocher d’une qualification pour les Finales de l’ATP, ce qui semblait impensable après les Internationaux des États-Unis. À Bâle, il a signé un deuxième gain aux dépens d’Alcaraz pour prouver que sa première n’était pas un coup de chance.
Si le Canadien ne s’est pas démarqué aux championnats de fin de saison, il a tout de même remporté sa première victoire contre Rafael Nadal lors du tournoi à la ronde. Et le meilleur était encore à venir.
Auger-Aliassime a mis la cerise sur le gâteau lors de la phase éliminatoire des Finales de la Coupe Davis.
Après avoir amorcé la remontée du Canada contre l’Allemagne en quart de finale, il a joué les héros en demi-finale contre l’Italie pour propulser son équipe en finale.
Avec le poids du pays sur ses épaules, il a permis au Canada de remporter sa toute première couronne de la Coupe Davis.
Auger-Aliassime a terminé l’année avec quatre titres, derrière Alcaraz et Novak Djokovic, et avec 60 victoires, une de moins seulement que Stefanos Tsitsipas qui occupe le premier rang de l’ATP Tour à ce chapitre. Il est le meneur pour le nombre de victoires (31, soit 10 de plus que Rune, qui arrive deuxième) et de titres en salle. De plus, il conclut l’année au 6e rang mondial, un sommet personnel.
DE FIERS PAPAS
Il y a eu un baby-boom sur le circuit de l’ATP cette année, puisque trois des meilleurs joueurs sont devenus pères à peu près en même temps.
Tout d’abord, Rafael Nadal est devenu le dernier membre du « Big 4 » à embrasser la paternité lorsque son fils, Rafael, est né le 8 octobre.
Daniil Medvedev en a surpris plusieurs en annonçant la naissance de sa fille le 14 octobre. Contrairement à Nadal et à Gaël Monfils, Medvedev s’est fait plus discret sur son statut de futur papa.
Le lendemain, Monfils et sa femme Elina Svitolina, accueillaient leur première fille, Skai.
LA FIN D’UNE ÉPOQUE
L’année 2022 a été marquée par de nombreux adieux.
Kevin Anderson et Jo-Wilfried Tsonga ont tous deux pris leur retraite, tout comme le joueur le plus grand de l’histoire du tennis, Ivo Karlovic.
À cette liste de nouveaux retraités s’ajoutent, entre autres, Gilles Simon, Sam Querrey, Tommy Robredo et Nenad Zimonjic.
Mais la retraite d’un joueur a pris des proportions gigantesques.
Tout au long de l’année, Roger Federer a laissé entendre qu’il pourrait effectuer un retour au jeu. Il s’était engagé à participer à la Coupe Laver et au tournoi de Bâle, dans sa ville natale. Au cours d’une cérémonie à Wimbledon, il a même dit espérer pouvoir jouer sur le célèbre gazon anglais en 2023.
Mais la vie en avait décidé autrement.
La rééducation de Federer pour sa blessure au genou qui l’a forcé au repos depuis sa défaite au quatrième tour de Wimbledon en 2021 ne s’est pas déroulée comme prévu et il a décidé que la Coupe Laver serait le théâtre de ses adieux.
En toute logique, Federer est entré sur le court pour disputer un match aux côtés de son rival et ami de longue date Rafael Nadal. Au lieu de se trouver de part et d’autre du filet, ils ont uni leurs efforts pour Équipe Europe lors du premier jour de la Coupe Laver.
Bien qu’il ait eu une balle de match, Federer n’a pas été en mesure de conclure sa carrière sur une victoire, car Nadal et lui se sont inclinés face à Jack Sock et à Frances Tiafoe. Une cérémonie émouvante a suivi, au cours de laquelle les joueurs et les amateurs ont rendu hommage à l’un de plus grands joueurs de tous les temps.
La réaction de Nadal, en particulier, est rapidement devenue virale, l’Espagnol ayant été incapable de retenir ses larmes pendant les célébrations. À un certain moment, les caméras ont même filmé les deux rivaux se tenant la main sur le banc en pleurant à chaudes larmes.
DÉBUT DE L’ÈRE D’ALCARAZ
Même en l’absence de Federer et à l’approche de la retraite de Nadal, le tennis est encore entre de bonnes mains.
Au début de la saison, le jeune Espagnol Carlos Alcaraz a suscité beaucoup d’intérêt.
En 2021, Alcaraz avait un premier titre en poche, et, à 18 ans seulement, avait éliminé Stefanos Tsitsipas pour atteindre le quatrième tour des Internationaux des États-Unis et remporter les Finales NextGen de l’ATP. Grâce à sa vitesse et à sa puissance, tous les espoirs étaient permis en 2022.
Il a rapidement répondu aux attentes et a amorcé une séquence victorieuse de 10 matchs en février/mars lors de laquelle il a été couronné champion Rio et a participé à sa première finale du Circuit Masters 1000 à Indian Wells avant de subir une défaite crève-cœur aux mains de Nadal.
Mais Alcaraz ne faisait que commencer. En effet, un peu plus tard en mars, c’est à Miami qu’il a signé son premier triomphe en tournois Masters 1000. Il a ensuite récolté deux autres trophées sur terre battue, à Barcelone et à Madrid. Dans la capitale espagnole, il est d’ailleurs devenu le premier joueur de l’histoire à vaincre Nadal et Novak Djokovic dans un même tournoi sur l’argile.
Il s’est présenté à Roland-Garros avec une incroyable fiche de 28 victoires et 3 défaites, et plusieurs le considéraient comme un sérieux prétendant au titre, mais il est tombé en quart de finale face à Alexander Zverev.
Alcaraz a connu une baisse de régime au cours de l’été, perdant au quatrième tour de Wimbledon et s’inclinant en finales consécutives à Umag et à Hambourg. Après avoir été éliminé dès son premier duel à Montréal, l’adolescent a admis ressentir la pression de sa nouvelle célébrité.
Il a toutefois rebondi à New York.
Son parcours n’a cependant pas été de tout repos. Il a eu besoin de cinq manches pour venir à bout de ses rivaux au quatrième tour, en quart de finale et en demi-finale, mais il a tenu bon pour se qualifier pour sa première finale d’un tournoi du Grand Chelem, qui était aussi une bataille avec Casper Ruud pour le premier rang mondial.
Alcaraz a été couronné après un duel de quatre manches et est devenu le plus jeune champion d’un tournoi majeur depuis Nadal en 2005, ainsi que le plus jeune numéro un de l’histoire.
Pour mettre en contexte la qualité et la constance d’Alcaraz en 2022, sa défaite au premier tour contre David Goffin au Kazakhstan, en novembre, a été le premier match de l,année où il n’a pas réussi à gagner au moins une manche. C’était son 63e duel de la saison.
Si les blessures ont contrecarré ses plans de fin de saison, l’Espagnol a quand même réussi à terminer l’année au sommet du classement mondial, devenant ainsi le plus jeune à réaliser cet exploit.
Il sera encore un adolescent et le numéro un mondial au début de 2023. S’il reste en santé, les amateurs de tennis devront s’habituer à voir le nom de Carlos Alcaraz à la une.